Que vous envisagiez une carrière dans l’hôtellerie ou que vous soyez simplement en train de penser à rouvrir votre entreprise, vous aurez besoin de tenir compte des changements qui se sont produits dans l’industrie. Pour vous aider, Le Cordon Bleu London (LCBL) et Hosco ont réuni un groupe d’experts pour débattre sur la reprise du secteur après le COVID-19. Le webinaire, organisé par le conférencier de LCBL, Nitin Radhakrishnan, et la senior manager Relations Publiques, Marketing et Communications de Hosco, Zhandra Fuentes, s’est déroulé le 9 juin avec les panélistes invités suivants :

  • Zahra Al Yousuf, Responsable Talent Acquisition, Jumeirah Group, Dubaï
  • Dusti Guzman, Directeur international des Ressources humaines, Azumi Group, Zuma, Oblix, Roka, Floride
  • Ragnar Fridriksson, Directeur de Bureau, The World Association of Chefs Societies (WorldChefs), Paris
  • Fabrice Tessier, Vice-président Relations Écoles et Partenariats Talent & Culture, Accor Group, Paris

Cet article partage leurs conseils experts sur la manière dont le comportement des consommateurs a impacté sur les modèles d’affaires et les viviers de talents, ainsi que sur les dernières tendances en recrutement. Ensuite, nous mettons en évidence les nouvelles compétences requises pour le secteur du voyage. Nous vous invitons à revoir le webinaire (disponible uniquement en anglais) ou à lire le résumé ci-après !

 

Comment l’hôtellerie se comporte-t-elle en ce moment ?

Zhandra : notre dernière enquête Hospitality Pulse d’avril 2021 donne aux employeurs et aux recruteurs un aperçu des tendances actuelles en matière de recrutement dans l’hôtellerie. Ce rapport, tout comme notre dernier webinaire « Hospitality Talks » avec STR indiquent une reprise qui est déjà bien réelle, ce qui est encourageant. 

 

Avec la réouverture de l’industrie après la crise et l’incertitude qui plane toujours, constatez-vous un réajustement des (de vos) modèles d'affaires comme conséquence des nouveaux comportements des consommateurs ?

Zahra : nos clients ressentent un besoin accru d’hygiène et de sécurité de la part de la marque. Quand nous avons rouvert nos hôtels à Dubaï, Jumeirah a été le premier hôtel du monde à se voir décerner le label « Bureau Veritas Safeguard ». Nous utilisons ces changements de comportement du consommateur de manière positive pour renforcer la confiance dans la marque, ce qui s’est traduit par une augmentation des séjours et des repas dans nos hôtels.

Fabrice : l’implantation du plan  « All-safe » à Accor a été une réussite pour rassurer nos clients, en complément des offres de séjours. Comme les événements professionnels en présentiel sont encore à la traîne, nous avons choisi de développer des partenariats avec Microsoft pour transformer nos salles de réunions en espaces hybrides adaptés aux événements. 

Le boum du travail à distance nous a forcés à développer des espaces de co-working pour que les clients aient la possibilité de travailler dans nos hôtels depuis ces espaces dédiés et à travers nos marques Wojo et Mama Works.   

 

Comment êtes-vous entrain de former et de préparer vos employés actuels et les candidats que vous recrutez pour répondre aux besoins des clients qui reviennent avec de hautes exigences de sécurité ?

Zahra : À Jumeirah, nous avons mis en place un important programme de formation pour tous les employés, et spécifiquement pour ceux du ménage et de F&B. Nous avons aussi organisé une campagne de vaccination au sein de l’entreprise pour être sûrs que nos employés et leurs familles soient vaccinés, de manière à protéger la santé des employés comme celle des clients.

 

Quelles sont les activités de WorldChefs en termes d’établissement de normes dans l’industrie ?

Ragnar : notre objectif est de prouver que l’hôtellerie est un excellent projet de carrière et pas seulement un job d’été.  Le COVID-19 a causé une énorme perte de talents dans l’industrie et les employeurs sont inquiets sur la manière dont ils vont pouvoir trouver des candidats quand la demande augmentera. Nous avons créé un certificat international de chef culinaire avec City & Guilds pour répondre à ce dilemme.

Nous avons aussi créé un système de reconnaissance pour l’industrie hôtelière qui permet d’avoir une référence et un contour clair pour chaque carrière. Ces certifications permettent aux professionnels de mettre en valeur leurs compétences et aux employeurs d’embaucher la crème de la crème.

 

Avec les bouleversements géopolitiques et les effets du Brexit et d’autres programmes de nationalisation des pays du Golfe - émiratisation, omanisation, etc. : quelles précautions/actions sont prises par les opérateurs pour atténuer l’impact de ces politiques en termes de recrutement ?

Dusti : notre priorité est de regagner la confiance que cette industrie a perdue et de changer de récit. Les gens se sont aussi accoutumés au travail à distance et à être leur propre chef durant la pandémie, alors les convaincre de revenir au système traditionnel de relations employeur-employé est compliqué. Le Brexit a rendu les choses encore plus difficiles pour les travailleurs de l’Union européenne.

Fabrice : Malgré l’incertitude créée par le Brexit, d’autres opportunités ont vu le jour, comme l’inauguration de nouveaux établissements et l’appel à la mobilité du personnel à Dubaï et aux Maldives, par exemple. L’essentiel est de rendre notre profession attractive et de la positionner de manière à attirer le bon candidat. Normalement, nous recrutons 80.000 employés par an, mais cette année, nous avons seulement 8.000 postes en attente d’être pourvus au niveau international.

Zahra : la mobilité du personnel nous a aidés quand nous avons fermé notre hôtel à Capri : nos employés ont pu voler à Dubaï pour travailler. Avec nos nouveaux hôtels qui vont bientôt ouvrir à Amman et en Arabie Saoudite, nous collaborons avec les autorités locales pour renforcer la confiance et encourager les candidatures locales, comme nous l’avons fait aux Émirats Arabes Unis en collaborant avec le ministère du Marketing du Tourisme et du Commerce de Dubaï.

 

Comment WorldChefs collabore-t-elle avec les institutions éducatives et l’industrie ?

Ragnar : l’éducation est une de nos priorités, alors contribuer à l’établissement de normes dans l’éducation mondiale était une grande opportunité. Avec des employeurs, comme l’hôtel Pullman par exemple, nous avons cartographié leur organigramme et identifié la mobilité professionnelle interne en nous basant sur notre propre cadre de référence et nos standards.

Le but est de permettre la progression dans et au sein du secteur et de fournir aux employés/étudiants un badge électronique qui peut être partagé sur leur CV. Le badge devient un outil marketing pour l’employeur/établissement parce qu’il est co-marqué. Nous pouvons savoir combien de fois le badge a été partagé et le nombre d’impacts reçus.

 

Quelles sont les lacunes de compétences identifiées dans le domaine Food and Beverage et sur quoi conseillerez-vous aux chercheurs d’emploi de se concentrer ?

Fabrice : je pense que le principal problème, ce ne sont pas les compétences, mais la pénurie d’employés. J’encourage les étudiants (LCB) à poursuivre leurs études parce que la demande est très forte, même chez Accor. 

L’innovation en F&B se situe en haut de la liste des compétences, suivie des acquis numériques. Il suffit de jeter un œil à Instagram pour constater la quantité de photos sont partagées sur des thèmes de cuisine. Donc, les médias sociaux, l’édition de vidéos et d’images, l’analyse de données, et le développement web sont importants, de même que les compétences générales dans les relations avec les clients et les collègues, ainsi que la curiosité. L’intelligence émotionnelle sera particulièrement bénéfique pour la reprise du secteur touristique.

 

À votre avis, quelles compétences générales et techniques supplémentaires sont nécessaires aux chercheurs d’emploi potentiels pour se démarquer ?

Zahra : l’innovation et la communication sont les premières compétences que nous recherchons pour tous les départements de nos hôtels. Je conseille aussi aux étudiants de se développer eux-mêmes à l’intérieur de la marque pour montrer leur confiance envers l’employeur et leur résilience sur le lieu de travail. L’expérience internationale est aussi très appréciée des employeurs, alors si c’est possible, sortez de votre zone de confort pour acquérir ces connaissances et ces compétences.  

Dusti : certains de nos employés travaillent depuis plus de 15 ans chez nous, alors je suis définitivement pour le développement professionnel au sein de la compagnie.  

 

Les jeunes chercheurs d’emploi recherchent un équilibre entre la vie professionnelle et personnelle et des employeurs engagés dans les bonnes pratiques professionnelles, le développement durable et la RSC. Que tentez-vous de faire pour répondre à ces demandes ?

Dusti : l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle était un vrai sujet déjà avant la pandémie et nous avons réalisé que cette tendance se poursuit. Comme le concept d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle varie d’un individu à l’autre, nous développons actuellement plusieurs options adaptées à notre personnel.

Zahra : nous avons aussi examiné nos modèles de travail et certains de nos employés administratifs, ceux qui ont des enfants en bas âge ou les femmes enceintes, sont restés en télétravail. Nous appuyons les employés qui veulent prendre des congés volontaires,  favorisons de meilleurs horaires de travail et encourageons des programmes de soutien communautaire.

Fabrice : chez Accor, faire preuve de solidarité a été un facteur clé pour le positionnement de notre activité, c’est pourquoi nous avons développé le fonds « All Heartist Fund ». Ce fonds est destiné à soutenir nos employés et nos partenaires comme conséquence du COVID-19 et a été d’une très grande utilité jusqu’à présent.

 

Quels sont vos projets pour ajouter de la valeur aux métiers de la cuisine ?

Ragna : l’hôtellerie est devenue l’un des plus grands employeurs de la planète, mais l’attention aux personnes n’est pas encore suffisamment prise en considération. Nous projetons d’ajouter de la valeur en investissant dans le développement des compétences et du sens communautaire, en mettant davantage l’accent sur la santé mentale des employés et en leur apportant notre soutien.

Zahra : il y a d’immenses opportunités de croissance au sein de Jumeirah, avec l’expansion de nos hôtels au Moyen Orient. Avec la prochaine exposition universelle de Dubaï en Octobre et l’ouverture de ses restaurants à pleine capacité, les opportunités pour les étudiants et chercheurs d’emploi en hôtellerie et tourisme ne vont pas manquer. Le secteur du voyage et du tourisme représentait 20 % des emplois mondiaux et je doute que cela change à court terme.

L’industrie ne peut que progresser au fur et à mesure que les gens recommencent à voyager, alors le secteur reste un projet de carrière attrayant pour les professionnels qui en veulent.