Le gouvernement chypriote a récemment approuvé 800 visas de travail pour l'été 2023 pour les ressortissants Philippins. Il s'agit de la dernière d'une série de mesures prises par les hôteliers de l'UE et du Royaume-Uni afin de faire face à la pénurie de talents en ayant recours aux « ressortissants de pays tiers » originaires de pays comme l'Inde, le Bangladesh et les Philippines. À première vue, il s'agit d'un moyen pratique de puiser dans un vivier abondant et peu coûteux de personnel, de surcroît désireux de s'installer en Europe. Mais cette solution est-elle viable à long terme? Et pourrait-elle finir par créer un fardeau supplémentaire pour l'industrie hôtelière en termes de formation et de qualification? Dans cet article, nous mettons en lumière les avantages et les inconvénients de cette pratique.

 

Demande hôtelière croissante de personnel provenant des pays tiers


Le tourisme est en nette augmentation partout en Europe et, à l'approche de l'été, les hôtels et les complexes hôteliers s'apprêtent à connaître leur meilleure saison depuis ces trois dernières années. Cependant, il reste difficile de trouver suffisamment de talents pour répondre à une telle croissance. De nombreuses enseignes de l'hôtellerie et de la restauration ont perdu leurs employés pendant la pandémie, lorsque la chute du tourisme et l'insécurité générale du marché de l'emploi ont poussé de nombreux travailleurs à se tourner vers d'autres secteurs d'activité. En conséquence, un grand nombre de postes restent vacants, une situation pour le moins perturbante au quotidien et qui soulève des inquiétudes quant aux moyens de répondre à l'afflux de touristes à venir.

Dans ce contexte, recruter des professionnels en Inde, au Bangladesh, aux Philippines et dans d'autres pays d'Asie est aujourd'hui une option envisagée par beaucoup. Ces pays à forte population et dont beaucoup de ressortissants sont désireux d'obtenir des visas de travail européens, offrent un moyen facile de pourvoir les postes vacants dans un délai très court. La demande est particulièrement forte pour les emplois saisonniers ou temporaires tels que les récoltes de fruits et légumes, dans les stations de ski, les centres de vacances ou encore dans l'hôtellerie durant la haute saison. En dehors de Chypre, des pays comme la Croatie et l'Espagne recrutent de plus en plus de personnel provenant de pays asiatiques, et d'autres pays européens sont susceptibles de suivre cette tendance.


Le secteur se montre réservé sur la question du recrutement dans les États tiers

Alors que de plus en plus de pays européens approuvent des visas de travail pour les ressortissants d’États tiers, nombreux sont ceux qui s'inquiètent des implications à long terme de cette stratégie. Voici quelques-uns des problèmes soulevés:

  • Défis liés à la formation - Les hôteliers et les restaurateurs se retrouvent souvent dans l’urgence et leurs employés récemment incorporés doivent être efficaces le plus rapidement possible. Or, les travailleurs asiatiques peuvent ne pas être familiarisés avec l'hôtellerie européenne, ce qui implique que la phase d'apprentissage sera beaucoup plus laborieuse. Ce problème est encore aggravé par les barrières linguistiques, en particulier dans les pays de l'UE où l'anglais n'est pas la langue principale.
  • Coûts de main-d'œuvre imprévus – Alors que bon nombre de professionnels choisissent d'embaucher des travailleurs asiatiques pour optimiser leur charge salariale, les coûts de formation pour une mise à niveau peuvent finalement dépasser les économies prévues. Le coût de délivrance des permis de travail est un autre élément à prendre en considération, de même que le coût d'opportunité lié au fait de garder le poste vacant en attendant que leur visa soit approuvé (dans de nombreux cas, les ressortissants de pays tiers ont besoin de visas européens en plus de leur permis de travail).
  • Moins d'opportunités de travail pour les nationaux - Donner plus d'emplois aux ressortissants d’États tiers engendrera, par défaut, une diminution d’opportunités pour les ressortissants de l'UE. La plupart des emplois attribués aux travailleurs asiatiques sont des postes de premier échelon, si bien que les étudiants diplômés des écoles hôtelières européennes ont désormais moins d'offres pour lesquelles postuler. Il est important de noter que le Moyen-Orient a mis en place des quotas d'embauche pour ses ressortissants, ce qui n'est pas le cas de l'Union européenne et pourrait entraîner des difficultés pour les débutants et les jeunes talents de l'UE du secteur hôtelier.  
  • Risque d'abus potentiel - L'une des principales préoccupations exprimées au sujet des ressortissants de pays Extra-européen est le risque potentiel que les hôteliers et les restaurateurs sous-payent ces employés et les surchargent de travail. Cette inquiétude est d'autant plus grande que de nombreux travailleurs asiatiques sont prêts à accepter des salaires moins élevés pour pouvoir s'installer en Europe ou au Royaume-Uni.
  • Une évolution de carrière stagnante- Les travailleurs asiatiques sont généralement relégués à des postes de base tels que agent d'entretien, commis de cuisine ou réceptionniste, avec des horaires contraignants et un travail souvent pénible. Couplée à une rémunération inférieure à la moyenne, cette tendance pourrait nuire aux perspectives de carrière des talents de l'hôtellerie originaires d’Asie et entraîner une démotivation ainsi que des tensions accrues sur le lieu de travail.
  • Chocs culturels - Les ressortissants d’États tiers qui ne sont pas familiers avec les spécificités culturelles des pays européens peuvent se heurter à des difficultés d’intégration dans l’entreprise et indirectement engendrer des expériences négatives pour les clients et des conflits avec le personnel en place.
  • Ressentiment à l'égard des ressortissants d’États tiers - Les professionnels nationaux peuvent considérer les travailleurs asiatiques comme une menace pour leur propre emploi, favorisant un ressentiment à l'égard des employés asiatiques, ainsi qu'un discours anti-asiatique généralisé.

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Comment le secteur hôtelier peut tirer parti des talents du monde entier


Recruter des ressortissants de pays tiers est un excellent moyen d'apporter des profils et des approches différentes au secteur hôtelier européen. À l'avenir, les hôteliers ont la possibilité de repenser le processus d’intégration de ces employés dans l’entreprise, tout en veillant à ce que les talents nationaux continuent d'être valorisés.  

  • Éviter de considérer les ressortissants d’États tiers comme une « main-d'œuvre bon marché » - Bien qu'il soit tentant de croire que les pays asiatiques sont une source de main-d'œuvre peu coûteuse et disponible sur demande, cette stratégie n'est pas viable sur le long terme, que ce soit d'un point de vue financier ou éthique. Dans la mesure du possible, les entreprises devraient verser à leurs employés originaires d'Asie le même salaire qu’ à un Européen au même poste.
  • Mettre en place une filière de recrutement en amont - À l'heure actuelle, les longs délais d’obtention des visas retardent l'entrée des ressortissants de pays Extra-européen, même pour ceux qui ont déjà obtenu un contrat de travail. Pour éviter les dysfonctionnements dans les différents services, planifiez vos besoins en personnel plusieurs mois à l'avance et préparez des solutions alternatives. Par exemple, si vous prévoyez d'embaucher davantage de travailleurs asiatiques pour faire face au pic d'activité touristique à la fin de l'été, commencez à recruter tout de suite. Et pour des besoins plus immédiats, envisagez de travailler avec une agence d'intérim qui peut vous mettre en contact avec des talents locaux ou des ressortissants de pays tiers qui ont déjà un visa.
  • Fixer des quotas d'embauche pour les locaux - Envisagez de vous associer aux écoles hôtelières de votre région et de vous engager à recruter chaque année un certain nombre de jeunes diplômés. Cette mesure est particulièrement utile pour les postes qui requièrent une maîtrise parfaite de la langue locale. Conseil de pro: les relations qu'entretient Hosco avec les écoles hôtelières renommées peuvent vous aider à obtenir des candidats brillants!
  • Offrez aux ressortissants d’États tiers les mêmes possibilités d'évolution qu'à vos employés locaux - Trop souvent, les travailleurs asiatiques restent bloqués dans des emplois moins bien rémunérés et ne peuvent pas progresser dans leur carrière. Brisez ce cercle vicieux en leur proposant des parcours de formation leur permettant de se perfectionner et d'accéder à des postes plus spécialisés ou d’échelons supérieurs de leur choix, et démontrez ainsi votre volonté de fomenter une véritable inclusion.
  • Investissez dans les relations avec les employés - Il s'agit d'une stratégie cruciale pour aider les ressortissants de pays tiers à mieux s'intégrer et d’éviter les conflits avec les talents locaux. Élaborez un programme structuré qui aide votre personnel à faire connaissance, à partager des perspectives culturelles et à réaliser des activités qui renforcent l'esprit de collaboration. Une bonne initiative consisterait à assigner des « copains » locaux aux travailleurs asiatiques nouvellement arrivés afin de les aider à se familiariser avec les traditions locales, de les assister dans leurs difficultés linguistiques et de les encadrer pendant leur service. Il est également judicieux que des employés expérimentés originaires des mêmes pays asiatiques servent de référents aux nouvelles recrues.
  • Faites part de vos projets à vos salariés - Vos salariés locaux peuvent s'inquiéter de la sécurité de leur emploi si davantage de ressortissants de pays tiers sont recrutés. La meilleure réponse est de leur expliquer en toute transparence quels sont vos projets de croissance, comment les ressortissants Extra-européen peuvent contribuer au succès de votre entreprise mais aussi comment vous continuerez à valoriser l'équipe en place. Cela les motivera à donner le meilleur d'eux-mêmes et à mieux accueillir leurs nouveaux collègues asiatiques.

En conclusion, les ressortissants de pays tiers resteront un vivier important de main-d'œuvre pour les hôteliers de l'UE et du Royaume-Uni en 2023. Les hôteliers qui investissent pour les aider à se perfectionner et à s'adapter avec dignité peuvent se constituer une équipe de collaborateurs loyaux et talentueux - à la fois Asiatiques et locaux - qui contribuera à leur prospérité tout au long de la saison touristique et au-delà.

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Sources:
https://wttc.org/news-article/according-to-wttc-and-etc-1-2-million-travel-and-tourism-jobs-across-the-eu-will-remain-unfilled-unless-urgent-action-is-taken